Prise de décision partagée en physiothérapie pour les douleurs de l'épaule : Le fossé entre la théorie et la pratique
Introduction
Les problèmes et les pathologies de l'épaule sont souvent difficiles à diagnostiquer et à gérer en raison d'examens cliniques peu fiables, de pronostics peu clairs et de l'absence de lignes directrices solides en matière de traitement. Bien que certaines modalités de traitement, comme la thérapie par l'exercice, donnent de meilleurs résultats que les approches passives pour les symptômes de l'épaule liés à la RC (pour une revue sur la douleur liée à la RC, cliquez ici), aucun exercice spécifique n'a été définitivement établi comme étant supérieur, et les réponses des patients peuvent varier de manière significative. Cette incertitude complique la prise de décision clinique, laissant les kinésithérapeutes sans voie claire dans la prise en charge des problèmes d'épaule.
La prise de décision partagée en physiothérapie est une approche centrée sur le patient qui intègre les préférences, les valeurs et les attentes des patients dans leur plan de soins. Compte tenu de l'ambiguïté des recommandations relatives au traitement de l'épaule, cette méthode de collaboration pourrait jouer un rôle crucial dans l'optimisation des résultats. Malgré ses avantages potentiels et la demande des patients pour une plus grande implication dans les décisions de soins, la prise de décision partagée n'est pas encore largement mise en œuvre dans la pratique de la physiothérapie.
Cette étude explore la manière dont les kinésithérapeutes intègrent la prise de décision partagée en physiothérapie lors de la prise en charge des affections de l'épaule. En passant en revue les pratiques actuelles et les Preuves, nous visons à souligner l'importance de cette approche dans l'amélioration des soins centrés sur le patient.
Méthodes
Cette étude observationnelle transversale a évalué les interactions cliniques à un seul moment. Les consultations initiales de physiothérapie en soins primaires ont été enregistrées et analysées afin d'évaluer l'intégration de la prise de décision partagée en physiothérapie.
Les participants
Kinésithérapeutes: Les praticiens agréés travaillant dans le secteur des soins primaires aux Pays-Bas ont été recrutés par le biais d'un échantillonnage de commodité, principalement par le biais des affiliations universitaires et des réseaux professionnels des auteurs. L'échantillonnage de commodité à partir de réseaux universitaires/professionnels peut fausser les résultats en surreprésentant les kinésithérapeutes prédisposés à la prise de décision partagée.
Les patients: Adultes (>18 ans) présentant des symptômes liés à l'épaule, y compris une douleur ou un dysfonctionnement localisé au cou, à la région scapulaire, à la région pectorale ou au bras proximal (limite distale : coude). Les participants éligibles devaient communiquer de manière indépendante pour garantir un engagement significatif dans la prise de décision partagée en physiothérapie.
Afin de minimiser les biais, ni les kinésithérapeutes ni les patients n'ont été informés des éléments spécifiques étudiés lors des consultations.
Collecte des données
Il a été demandé à chaque kinésithérapeute participant d'enregistrer jusqu'à six consultations initiales. La taille de l'échantillon a été déterminée sur la base de l'outil OPTION-5 de l'observateur (une mesure validée pour évaluer la prise de décision partagée dans les rencontres cliniques) afin de garantir une puissance statistique suffisante pour les analyses de régression. Cette approche a permis aux chercheurs d'identifier les corrélations potentielles entre la prise de décision partagée en physiothérapie et d'autres variables.
Les consultations ont été enregistrées à l'aide d'un dictaphone numérique. Les KinésITHÉRAPEUTE ont également consigné les données démographiques des patients (âge, sexe), les caractéristiques cliniques (durée des symptômes de l'épaule) et les modes de recommandation (accès direct ou recommandation d'un médecin). En outre, des données au niveau du thérapeute - y compris les années d'expérience, le niveau d'éducation, l'âge et le sexe - ont été collectées pour l'analyse.
Justification des variables
La sélection de ces variables s'est appuyée sur des preuves empiriques soulignant que la prise de décision partagée en physiothérapie est influencée par de multiples facteurs. Les variables liées aux cliniciens (telles que l'expérience et la formation) et les facteurs liés aux patients (y compris le niveau d'éducation et la chronicité des symptômes) sont connus pour influencer la prise de décision en collaboration. Les voies de recommandation (p. ex. autosaisine ou orientation par le médecin) ont également été prises en compte, car des études antérieures suggèrent qu'elles peuvent influer sur la dynamique de la communication au cours des consultations.
Variables de résultats
Le résultat principal était le niveau de prise de décision partagée en physiothérapie, évalué à l'aide de l'échelle OPTION-5. Cet outil validé et fiable évalue les performances des cliniciens dans cinq domaines clés de la prise de décision partagée : (1) justifier le travail de délibération, (2) justifier le travail de délibération en équipe, (3) informer les patients, décrire les options et échanger des points de vue, (4) susciter des préférences et (5) intégrer les préférences dans le plan de soins. Chaque élément est noté sur une échelle de Likert en 5 points (0 = aucun effort, 4 = effort exemplaire), les scores totaux étant additionnés jusqu'à un maximum de 20. Pour des raisons d'interprétabilité, les scores bruts ont été ramenés à une fourchette de 0 à 100.
Formation et fiabilité des évaluateurs
Trois chercheurs ont suivi une formation standardisée à la notation de l'OPTION-5 afin de garantir la fiabilité de l'évaluation. La formation comprenait la notation itérative de consultations pratiques utilisant des citations illustratives jusqu'à l'obtention d'un coefficient de corrélation intraclasse (CCI) > 0,6.
Processus d'étalonnage
Pour affiner la cohérence, les chercheurs ont noté de manière indépendante 12 consultations de physiothérapie sur trois cycles :
Série 1 : 3 consultations (ICC = 0,25)
Cycle 2 : 4 consultations (ICC = 0,50)
Cycle 3 : 5 consultations (ICC = 0,92)
Une fois que le groupe a dépassé le seuil ICC pré-spécifié de 0,6 au troisième tour, les enregistrements audio restants ont été notés par un seul évaluateur afin de maintenir l'efficacité sans compromettre la fiabilité.
L'analyse des données sera discutée plus en détail dans la section "Talk nerdy to me".
Résultats
Au total, 100 consultations initiales de physiothérapie ont été retenues pour l'analyse. Ces consultations ont impliqué 41 kinésithérapeutes, avec des contributions individuelles allant de 1 à 6 séances enregistrées par clinicien. Les caractéristiques des patients et des kinésithérapeutes sont présentées dans le tableau 1 suivant.
D'après : Hacquebord et al : Hacquebord et al, Phys Ther. (2025)
Le score moyen d'OPTION-5 pour l'ensemble des consultations était de 27/100, allant de 5 à 70 (voir la figure 1), ce qui indique une mise en œuvre limitée des principes de prise de décision partagée dans la pratique courante. Comme l'illustre la figure 2, la répartition des scores a révélé que :
Une note de 1 (effort minimal) a été attribuée le plus souvent pour les cinq éléments.
Aucune consultation n'a reçu une note exemplaire (4) sur aucun point, ce qui met en évidence l'absence de démonstrations de bonnes pratiques.
D'après : Hacquebord et al : Hacquebord et al, Phys Ther. (2025)
Caractéristiques associées au niveau de SDM.
L'analyse de régression multiniveaux a révélé trois prédicteurs significatifs de scores OPTION-5 plus élevés (*p* < 0,05) :
Formationdes cliniciens Les kinésithérapeutes ayant suivi une formation au niveau de la maîtrise ont fait preuve d'une mise en œuvre nettement plus importante de la prise de décision partagée (*b* = 9,1, IC à 95 % [2,7, 15,4]).
Durée de la consultation Des sessions plus longues ont été associées à une meilleure performance en matière de prise de décision partagée (*b* = 5,5, IC 95 % [2,7, 8,3]).
Âgedu patient Les patients plus âgés ont été davantage impliqués dans la prise de décision partagée (*b* = -1,8, IC 95 % [-3,1, -0,4]).
D'après : Hacquebord et al : Hacquebord et al, Phys Ther. (2025)
Questions et réflexions
L'étude révèle une mise en œuvre sous-optimale de la prise de décision partagée dans la pratique de la physiothérapie, comme le prouve le score moyen d'OPTION-5 de 27/100 indiquant une adhésion limitée aux principes de la prise de décision partagée.
Un examen plus approfondi des éléments spécifiques de la prise de décision partagée dans le tableau 2 révèle des tendances nuancées. La discussion sur les options de traitement (item 1) est apparue comme le domaine relativement le plus solide, bien que toujours sous-optimal, avec 74% des thérapeutes faisant des efforts minimes et 22% des efforts modérés dans la présentation des alternatives. Il est encore plus troublant de constater que 65% des thérapeutes n'ont fait que des tentatives minimes pour établir de véritables partenariats de collaboration (item 2) - une exigence fondamentale de prise de décision partagée qui demande de reconnaître les patients comme des experts de leur expérience vécue de leur condition à travers un engagement égalitaire.
Les résultats concernant les composantes essentielles de la prise de décision partagée sont particulièrement alarmants : un tiers des thérapeutes (33%) n'ont fait aucun effort pour expliquer les avantages et les inconvénients du traitement ou pour vérifier la compréhension du patient (point 3), tandis que 33% n'ont fait aucun effort et 43% n'ont fait que des efforts minimes pour explorer les préférences, les attentes ou les préoccupations du patient concernant les traitements discutés (point 4). Ces résultats s'alignent sur ceux de notre précédente étude systématique portant sur les pratiques visant à rassurer les patients souffrant de douleurs du bas dos, qui a également identifié un engagement limité des cliniciens à l'égard des préoccupations des patients. Pour une analyse complète, voir notre publication précédente.
Ces résultats mettent en évidence un décalage important entre la théorie de la prise de décision partagée et la pratique actuelle, particulièrement intéressant dans le contexte de la gestion de la douleur de l'épaule où les auteurs affirment que la prise de décision partagée pourrait s'avérer particulièrement précieuse compte tenu des complexités diagnostiques et thérapeutiques de l'affection. Toutefois, cette perspective doit être examinée attentivement au regard des preuves existantes montrant la supériorité des traitements actifs sur les traitements passifs de la douleur de l'épaule, ainsi que l'amélioration de la précision du diagnostic grâce à des protocoles d'évaluation standardisés.
Cette tension soulève des questions cruciales sur la nature réelle et la mise en œuvre de la prise de décision partagée. Il est important de noter que la prise de décision partagée ne doit pas être interprétée à tort comme un simple report des décisions sur les patients ou comme un abandon de l'expertise clinique. Comme le précise l'outil OPTION-5, une prise de décision partagée efficace représente une compétence clinique sophistiquée qui : intègre délibérément l'expertise du patient sur ses symptômes avec les connaissances professionnelles ; utilise des techniques de communication spécifiques comme le teach-back et l'écoute active ; et cultive des relations de collaboration authentique par le biais d'un engagement verbal et non verbal. Pour obtenir des conseils supplémentaires sur l'amélioration de la communication clinique, nous vous recommandons de consulter cette ressource des Physiotutors sur les soins centrés sur le patient.
Bien que cette étude n'ait pas examiné la relation entre la prise de décision partagée et les résultats cliniques, l'écart frappant entre les préférences des patients pour les soins collaboratifs et les réalités de la pratique actuelle souligne deux besoins essentiels pour aller de l'avant. Premièrement, une recherche rigoureuse sur les résultats doit établir si et comment la prise de décision partagée influence les résultats du traitement dans les soins musculo-squelettiques. Deuxièmement, le domaine nécessite des interventions de formation ciblées pour aider les cliniciens à développer des compétences qui vont au-delà du partage superficiel d'informations pour aboutir à une véritable prise de décision partagée.
Parle-moi comme un intello
L'étude a combiné des méthodes statistiques descriptives et inférentielles pour évaluer systématiquement les pratiques de prise de décision partagée dans les consultations de physiothérapie. Les chercheurs ont d'abord caractérisé la population étudiée en résumant les principales variables démographiques et cliniques : les données catégorielles sous forme de fréquences et de pourcentages, et les mesures continues sous forme de moyenne ± écart-type (pour les variables normalement distribuées) ou de médiane et d'intervalle (pour les distributions non normales).
La mise en œuvre de la prise de décision partagée a été évaluée quantitativement à l'aide de l'instrument validé OPTION-5. Les chercheurs ont rapporté à la fois les scores composites (moyenne et fourchette sur l'ensemble des consultations) et les performances au niveau des items (distributions de fréquence pour chacun des cinq items de l'OPTION-5). Cette double approche a permis une évaluation complète des domaines dans lesquels les processus de prise de décision partagée ont été le plus et le moins efficacement mis en œuvre au cours des rencontres cliniques.
Compte tenu de la nature hiérarchique des données - avec de multiples consultations de patients imbriquées dans des thérapeutes individuels - l'analyse a nécessité des techniques spécialisées de régression linéaire multiniveaux. Cette méthodologie avancée répond à trois limites fondamentales de la régression conventionnelle lorsqu'elle est appliquée à des données en grappes :
Elle tient compte de la non-indépendance des consultations effectuées par le même clinicien.
Il distingue les effets au niveau du thérapeute (par exemple, la formation professionnelle) et les facteurs au niveau du patient (par exemple, l'âge ou la durée des symptômes).
Il génère des estimations plus précises des effets prédictifs en modélisant explicitement la structure de données imbriquées.
Le modèle de régression final a incorporé toutes les caractéristiques pertinentes du patient et du thérapeute simultanément, avec des résultats présentés comme :
Coefficients de régression (b) représentant l'ampleur de l'effet sur les scores OPTION-5
Intervalles de confiance à 95% indiquant la précision du devis
Valeurs p évaluant la signification statistique par rapport à un seuil α de 0,05
Ce cadre analytique offre des avantages distincts pour la compréhension de la prise de décision partagée dans la pratique clinique. Contrairement à la régression standard qui suppose l'indépendance de toutes les observations, la modélisation multiniveaux tient compte du fait que les thérapeutes développent des schémas de pratique cohérents affectant plusieurs patients. Cette approche permet donc d'obtenir des résultats qui reflètent plus fidèlement la complexité des relations thérapeutiques et des processus de prise de décision dans le monde réel.
Messages à emporter
La prise de décision partagée est importante, mais elle est sous-utilisée
Vos collègues n'ont obtenu qu'une moyenne de 27/100 sur la mise en œuvre de la prise de décision partagée (OPTION-5). Donner la priorité à la discussion des options de traitement, à l'obtention des préférences et à l'établissement de partenariats de collaboration.
Se concentrer sur ces lacunes critiques
33% des thérapeutes n'ont pas expliqué les avantages/inconvénients des traitements.
65% ont fait peu d'efforts pour travailler en partenariat avec les patients sur un pied d'égalité.
Commencez par des étapes simples : Demandez ("Qu'est-ce qui compte le plus pour vous ?"), partagez ("Voici ce que nous pourrions faire..."), décidez ensemble.
Formation de niveau master aidée
Les thérapeutes ayant suivi une formation supérieure (maîtrise) ont obtenu 9 points de plus sur l'échelle OPTION-5. Envisager une formation ciblée sur la prise de décision partagée (par exemple, l'entretien motivationnel, l'élicitation des préférences).
Vous pouvez également consulter cet article de blog qui fournit de plus amples informations sur la prise de décision partagée.
En résumé : la prise de décision partagée ne consiste pas à renoncer à l'expertise, mais à combiner vos connaissances cliniques avec l'expérience vécue par le patient afin d'obtenir de meilleurs résultats.
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Félix Bouchet
Mon objectif est de combler le fossé entre la recherche et la pratique clinique. Grâce à l'application des connaissances, je vise à responsabiliser les physiothérapeutes en partageant les données scientifiques les plus récentes, en encourageant l'analyse critique et en brisant les schémas méthodologiques des études. En favorisant une meilleure compréhension de la recherche, je m'efforce d'améliorer la qualité des soins que nous prodiguons et de renforcer la légitimité de notre profession au sein du système de santé.
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