Ellen Vandyck
Responsable de la recherche
La lombalgie reste sans aucun doute l'une des affections musculo-squelettiques les plus invalidantes. Presque tout le monde éprouvera des douleurs lombaires aujourd'hui ou plus tard dans sa vie. Chez certaines personnes, la douleur devient plus chronique. Souvent, ces personnes souffrant de lombalgie chronique ont des cognitions négatives liées à la douleur, souvent causées par des informations erronées, qui contribuent à leur expérience de la douleur. Les mauvaises croyances en matière de maladie font partie des facteurs négatifs qui influencent la lombalgie et la guérison. En étudiant ce que les gens ressentent avant et après leur guérison d'une lombalgie persistante et comment cela s'intègre aux données quantitatives, cette étude a voulu répondre à la manière dont les gens donnent un sens aux variables qui contribuent à leur parcours de guérison de la lombalgie.
En utilisant des méthodes mixtes, cette étude a combiné des approches qualitatives et quantitatives dans le cadre d'une conception de cas unique. Les participants étaient éligibles à cette étude lorsqu'ils souffraient de douleurs lombaires depuis plus de 3 mois, invalidantes et non spécifiques. La lombalgie invalidante a été définie par un score d'au moins 5 sur le questionnaire d'invalidité Roland Morris (RMDQ).
Tous les participants ont pris part à une intervention de thérapie fonctionnelle cognitive (TFC) de 12 semaines après une période de référence de 5 semaines, au cours de laquelle des mesures ont été prises et un entretien a été mené. Après l'intervention CFT de 12 semaines, une période de suivi de 5 semaines a été organisée avec un autre entretien et une collecte de données quantitatives.
La thérapie fonctionnelle cognitive (TFC) est une stratégie adaptée, basée sur la physiothérapie, pour traiter les douleurs musculo-squelettiques chroniques, en particulier les lombalgies. La CFT associe des techniques cognitives et comportementales à la réadaptation physique, en tenant compte des variables psychologiques, sociales et physiques qui contribuent à la douleur et au handicap d'un patient.
Les principales composantes de la CFT sont les suivantes
L'étude actuelle n'est pas une étude d'efficacité. La CFT a déjà gagné ses lettres de noblesse lors d'essais antérieurs, comme l'étude que nous avons examinée il y a quelque temps.
Des données qualitatives ont été recueillies à partir d'entretiens semi-structurés au cours desquels les participants ont fait part de leurs croyances, expériences et réactions émotionnelles liées au mouvement et à la posture dans le contexte de leur lombalgie. Les entretiens de référence ont porté sur les croyances initiales et les entretiens de suivi sur les changements survenus après l'intervention.
À l'aide de questionnaires et de capteurs portables, les données relatives au handicap, à l'auto-efficacité, au catastrophisme et à la cinématique de la colonne vertébrale ont été recueillies respectivement.
Ces données ont été collectées et intégrées dans ce modèle de méthodes mixtes. Dans le cadre du processus d'intégration, un affichage collaboratif a été réalisé pour montrer comment les changements dans les schémas de mouvement et les attitudes sont liés à des résultats cliniques spécifiques.
Douze participants souffrant d'une lombalgie non spécifique persistante et invalidante ont été recrutés et ont terminé l'étude. Ils étaient âgés en moyenne de 39 ans et souffraient de lombalgie depuis plus de 4 ans en moyenne (de 11 mois à 17 ans). Ils présentaient des niveaux élevés d'invalidité, mesurés par un score de 17,5 sur 23 au RMDQ (intervalle de 12 à 22). Ils présentaient un risque d'incapacité de travail objectivé par un score moyen de 56,5/100 au Short-Form Örebro Musculoskeletal Pain Screening Questionnaire (fourchette 41-79).
Base de référence
Les entretiens qualitatifs ont révélé que le thème principal était la protection du bas du dos. Certaines personnes protègent leur dos consciemment.
D'autres avaient adopté une forme de protection inconsciente du bas du dos.
Les personnes qui ont adopté une stratégie de protection consciente ont souvent suivi certaines "règles" en matière de mouvement et de posture. Certains avaient imposé leurs propres règles, mais ces "règles" provenaient généralement de rencontres antérieures avec des professionnels de la santé et de croyances sociétales.
Les personnes qui bénéficient d'une protection consciente se protègent par leurs mouvements et leurs postures, mais elles évitent également plusieurs tâches perçues comme menaçantes.
Certains participants ont indiqué que ces schémas de protection étaient utiles et les aidaient à contrôler leur douleur. Mais des questions plus approfondies ont révélé que les comportements de protection conscients contrastaient avec l'absence de protection consciente ou d'inquiétude au sujet de leur dos avant qu'ils ne souffrent. Bien que ce contraste soit apparu, cette protection consciente a été maintenue malgré le fait que certains participants aient décrit des situations où une plus grande relaxation était moins douloureuse, ou lorsque la tension musculaire et le respect des "règles posturales" exacerbaient leur souffrance.
L'évaluation des cognitions de ces personnes au départ a révélé que nombre d'entre elles pensaient que leur colonne vertébrale présentait un problème structurel ("endommagée", "cassée" ou "blessée"). En outre, ils pensaient qu'ils avaient de "mauvaises" postures ou qu'ils bougeaient "mal". Ensemble, ils pensaient que leur dos était fragile et vulnérable à d'autres dommages ou blessures.
Ces croyances proviennent soit d'expériences de douleur fortement aversives, soit de rencontres avec des professionnels de la santé, soit de croyances sociétales.
L'évaluation des émotions ressenties par ces personnes a montré que le fait de protéger constamment leur colonne vertébrale entraînait une vigilance accrue à l'égard de la douleur et des émotions négatives telles que la frustration, la peur, l'inquiétude et la dépression.
Suivi
Les entretiens menés après les 12 semaines du programme de CFT ont révélé que la plupart des participants ne protégeaient plus leur dos. Ils ont indiqué que le fait de ne pas se protéger en apprenant à se détendre et à retrouver des mouvements normaux dans les situations menaçantes les a aidés à réduire leur douleur. En retour, cela a influencé positivement leurs croyances en matière de dommages et d'inquiétude.
Certains ont dû se concentrer sur le fait de bouger ou de se placer de manière "moins protectrice" ou "non protectrice" (non-protection consciente), tandis que d'autres ont progressé vers des mouvements et des postures automatiques, habituels et sans crainte (non-protection non consciente).
Les personnes qui sont passées à la non-protection consciente après la guérison de leur lombalgie ont indiqué qu'elles avaient appris à utiliser consciemment des techniques de relaxation et de respiration lorsque la douleur apparaissait pendant les mouvements/postures et elles ont indiqué que cela réduisait leur douleur. Bien que la plupart des personnes adoptant la stratégie de non-protection consciente aient estimé que cela était évident, d'autres ont dû être plus attentives pour impliquer ces stratégies modifiées.
Les gens ont souvent été surpris d'apprendre que cette technique de relaxation faisait disparaître leur douleur. Modifier ses mouvements et sa posture pour réduire la douleur a été une expérience d'apprentissage importante, souvent surprenante en raison de sa simplicité et de son contraste avec les conseils habituels en matière de soins de santé. Ces expériences ont remis en question leurs opinions antérieures sur les lésions de la colonne vertébrale, transformant des mouvements auparavant douloureux en opportunités réparatrices. Cette approche a été facilitée par les nouvelles communications du clinicien qui autorisaient le déplacement plutôt que par les messages antérieurs "ne pas bouger", "protéger" ou "éviter".
Un autre groupe de participants a adopté des stratégies de non-protection non conscientes. Ces participants ont progressé vers des mouvements et des postures habituels et instinctifs. Le passage de la non-protection consciente à la non-protection non consciente a permis à ces personnes de retrouver des mouvements automatiques et sans peur. Même, ils ne se considéraient plus comme ayant un problème de dos. On peut dire qu'ils ont réussi à guérir de leur lombalgie malgré des antécédents douloureux de longue date.
Après la guérison de la lombalgie, les cognitions de ces personnes ont changé de manière significative. La plupart des participants ne croyaient plus que des structures endommagées étaient à l'origine de leurs douleurs. Ils avaient compris que leurs schémas de protection (consciemment ou inconsciemment, comme la tension musculaire) avaient été un facteur dominant de leur douleur.
Ces changements cognitifs ont été facilités par l'apprentissage par l'expérience et l'éducation personnalisée fondée sur des données probantes. Le fait d'apprendre que la douleur était moindre ou inexistante lors de tâches perçues comme menaçantes a incité les participants à réfléchir à ce qu'ils avaient compris auparavant de ce qui causait leur douleur. Le fait de constater que ces mouvements "menaçants" étaient sans danger les a aidés à comprendre que leur corps n'était ni fragile ni vulnérable.
Au lieu de l'incertitude, les participants ont déclaré que l'enseignement fondé sur des données probantes qui accompagnait l'apprentissage par l'expérience les avait aidés à donner un sens à leur douleur. Certains participants ont également fait état d'une amélioration de leur efficacité personnelle et d'une sortie de soins.
Dans l'ensemble, la reconceptualisation des liens entre leurs mouvements, leurs postures et la relation avec la douleur a conduit à un changement d'émotions. La peur, l'inquiétude, l'anxiété, la frustration et la dépression ont fait place au bonheur, à l'espoir, à la confiance.
En fin de compte, l'objectif de cette étude était d'examiner comment les données qualitatives sur la douleur, la posture et le mouvement vus des yeux des participants s'intégraient aux données quantitatives. Les données quantitatives sur la tension musculaire et la cinématique de la colonne sagittale confirment les résultats qualitatifs. Les mesures biomécaniques objectives et les questionnaires d'auto-évaluation ont souvent confirmé les perceptions des participants concernant leurs mouvements et leurs postures.
Certains participants ont augmenté leur vitesse de mouvement, mais pas leur amplitude de mouvement (P1), tandis que pour d'autres, la vitesse n'a pas changé, mais l'amplitude a changé (P5), et pour certains, les deux ont changé (P8).
Cette population était largement touchée par la lombalgie et souffrait depuis de nombreuses années. Ils avaient consulté de nombreux professionnels de la santé au fil des ans et prenaient fréquemment des médicaments pour leurs douleurs lombaires. Nombre d'entre eux ont indiqué qu'ils avaient dû s'absenter du travail pendant une longue période en raison de leurs douleurs lombaires. Ainsi, cette étude a porté sur une population de personnes affectées à différents niveaux depuis de nombreuses années.
Étant donné que la façon dont les participants ont conceptualisé la relation entre leur mouvement, leur posture et leur lombalgie au cours de l'entretien de suivi (protection, non-protection consciente ou non-protection non consciente) a varié, nous avons cherché à savoir si les participants qui ont évolué vers une non-protection non consciente (n = 7) se sont davantage améliorés en termes de limitation d'activité, de mouvement et de facteurs psychologiques que ceux qui sont restés consciemment non-protégés (n = 4). Les graphiques montrent que les personnes qui ont opté pour une non-protection non consciente ont tiré davantage de bénéfices que celles qui sont restées consciemment dans la non-protection.
En tant que professionnels de la santé, je pense que nous devons être conscients de la manière dont les gens comprennent nos messages bien intentionnés. Changer notre façon de parler pourrait avoir un impact important sur la façon dont les gens conceptualisent la douleur.
Presque tous les participants (11 sur 12) aux entretiens de suivi après l'intervention CFT de 12 semaines ont évoqué l'importance des techniques "moins protectrices", qui se sont souvent révélées étonnamment efficaces pour réduire la douleur. Plutôt que de s'inquiéter, de se protéger ou d'éviter les mouvements et les postures, les participants ont estimé qu'ils pouvaient réduire leur douleur en se protégeant moins lors d'activités menaçantes telles que se pencher, soulever des charges, s'asseoir ou se tenir debout. Dans cette approche, les mouvements et les postures non protecteurs deviennent utiles plutôt que nuisibles.
L'image ci-dessus résume bien la situation. Chez la plupart des participants, le passage d'un comportement ou de symptômes protecteurs à un comportement non protecteur a réduit de manière significative les facteurs négatifs entourant la douleur. Cette évolution a été observée à la fois dans les données objectives et subjectives.
Par exemple :
Les cliniciens doivent tenir compte du profil de leur population clinique lorsqu'ils évaluent la transférabilité, car l'étude n'a porté que sur 12 participants dont l'IMC était inférieur à 30. La possibilité d'un biais de désirabilité doit également être prise en compte.
Cette étude a suivi des personnes souffrant de lombalgie chronique invalidante dans leur parcours de guérison de la lombalgie. Ces participants ont été interrogés sur leur douleur et sur la manière dont ils l'associaient à la posture et au mouvement. Les données qualitatives indiquent un changement considérable dans la manière dont les individus perçoivent le lien entre le mouvement, la posture et la lombalgie. Dans un premier temps, les participants ont cru que les mouvements et les postures inconfortables constituaient une menace et qu'ils cherchaient à protéger leur dos prétendument blessé. Au cours du suivi, les participants ont considéré le mouvement et la posture (détendue) comme une technique thérapeutique de récupération, ce qui implique qu'il n'y a pas de danger à bouger.
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