Allongement précoce pour les lésions des ischio-jambiers

Introduction

D'après une étude récente portant sur 11 essais contrôlés randomisés, les exercices excentriques permettent un retour plus rapide au sport et réduisent les taux de rechute. Il s'agit d'une découverte très importante, car les lésions aiguës des ischio-jambiers contribuent de manière significative aux jours d'arrêt de la pratique sportive et aux taux élevés et fréquents de rechute. Mais quel est le meilleur moment pour introduire des exercices d'allongement dans la rééducation des lésions aiguës des ischio-jambiers ? Cette étude s'est intéressée à l'effet du moment de l'introduction des exercices excentriques. L'allongement précoce des ischio-jambiers peut-il influencer le délai de reprise du sport ?

Méthodes

Un essai de supériorité monocentrique en groupes parallèles a été mené à l'hôpital orthopédique et de médecine sportive Aspetar. Des athlètes masculins âgés de 18 à 50 ans présentant une lésion aiguë des ischio-jambiers confirmée par IRM ont été inclus. Les candidats éventuels ayant déjà subi une blessure aux ischio-jambiers au cours des six derniers mois ou souffrant de problèmes chroniques (>2 mois) aux ischio-jambiers et de ruptures/avulsions complètes (grade III de la classification de Peetrons) ont été exclus.

Les deux groupes ont suivi un programme de réadaptation standard basé sur des critères et comprenant 6 étapes : 3 stades basés sur la physiothérapie et 3 stades spécifiques au sport. Les groupes différaient quant au moment de l'introduction des exercices d'allongement. Dans le groupe de l'allongement précoce, les exercices ont été commencés dès le premier jour de la rééducation, tandis que dans le groupe de l'allongement différé, les exercices d'allongement ont été introduits après avoir rempli les critères de capacité à courir à plus de 70 % de la vitesse maximale auto-évaluée.

l'allongement précoce pour les blessures aux ischio-jambiers — De : Vermeulen et al., Br J Sports Med (2022)

Les exercices d'allongement comprenaient l'extenseur (tous les jours), le plongeur (tous les deux jours) et le curseur (tous les trois jours). Les autres exercices consistaient en des squats et des ponts bilatéraux et unilatéraux, des exercices isométriques en décubitus dorsal, des exercices avec résistance manuelle, des flexions de jambes en décubitus ventral et des exercices nordiques pour les ischio-jambiers. Le principal résultat évalué dans cette étude était le délai de reprise du sport, défini comme "le nombre de jours écoulés entre la blessure et l'entraînement complet sans restriction et/ou le match".

Résultats

Quatre-vingt-huit participants ont été inclus et répartis équitablement entre le groupe d'allongement précoce et le groupe d'allongement différé. Le groupe précoce a commencé les exercices d'allongement dès le premier jour de la rééducation, et ce après une médiane de 5 jours après la blessure (intervalle de 3 à 6 jours). Dans le groupe retardé, la première séance de rééducation avec les exercices d'allongement n'a été introduite que 16 jours après la blessure (intervalle médian de 11 à 23 jours) et ceci 12 jours après la blessure en moyenne (intervalle de 7 à 19 jours).

La reprise du sport s'est faite en moyenne après 23 jours (intervalle 16-35) et 33 jours (intervalle 23-40) pour les groupes d'allongement précoce et différé respectivement. La différence médiane entre les deux groupes était de 8 jours (de 0 à 14 jours). La probabilité cumulative de reprendre le sport est représentée ci-dessous. Comme vous pouvez le constater, aucune différence claire ne se dégage entre les groupes, car les courbes ne sont pas séparées les unes des autres et se chevauchent fréquemment.

Dans une analyse secondaire, les réinjuries ont été comparées entre le programme d'allongement des ischio-jambiers précoce et différé à 2, 6 et 12 mois. Les rapports de cotes n'ont cependant pas atteint le niveau de signification.

Questions et réflexions

Que concluez-vous sur la base de ces résultats ? Il n'y avait pas de différence significative entre le programme d'allongement des ischio-jambiers précoce et différé. Ainsi, l'allongement précoce des lésions des ischio-jambiers n'a pas amélioré le délai de reprise du sport par rapport à l'allongement différé. Elle n'a pas non plus amélioré le risque de nouvelle blessure. La différence médiane dans le délai de reprise du sport était de 8 jours, avec une fourchette de 0 à 14 jours, mais elle n'était pas significative. Cela signifie qu'au pire, les participants effectuant un allongement précoce pour des blessures aux ischio-jambiers reviennent en même temps que les participants retardant l'allongement et au mieux, ils reviennent 14 jours plus tôt. Comme aucune différence n'a été constatée dans les taux de récidive entre les deux groupes, je préférerais commencer tout de suite par les exercices d'allongement chez les personnes souffrant de lésions aiguës des ischio-jambiers. Au mieux, vous permettez à votre athlète de reprendre le sport plus rapidement, et au pire, vous le faites reprendre en même temps. Le fait de commencer les exercices d'allongement dès le début de la rééducation peut également accroître la confiance de l'athlète dans l'exécution d'exercices excentriques plus lourds plus tard au cours de la progression. Alors pourquoi pas ? Le texte suivant est également pertinent à cet égard. Avec seulement deux jours (de 1 à 4 jours), le délai médian avant l'IRM après la blessure est resté très court. Cela ne sera pas possible dans tous les contextes cliniques, car les délais d'attente sont souvent beaucoup plus longs. Mais si votre patient ne vient qu'après avoir passé une IRM beaucoup plus tardive que dans cette étude (souvent des semaines après), je ne pense pas qu'il soit nécessaire de retarder plus longtemps les exercices d'extension excentrique.

Parle-moi comme un intello

Le d de Cohen pour la différence médiane de 8 jours entre les groupes était de 0,39, ce qui représente un effet de faible ampleur. Le calcul de l'ampleur de l'effet a été basé sur le temps moyen de retour au sport pour les athlètes souffrant de lésions aiguës des ischio-jambiers, tel qu'il ressort d'études antérieures menées dans le centre d'étude Aspetar (25,4 jours en moyenne). Dans leur calcul de puissance effectué au préalable, ils ont opté pour une petite taille d'effet de 25 %, car cela correspond à environ 6,6 jours, soit un match supplémentaire dans la plupart des sports. Il semble raisonnable d'opter pour une petite taille d'effet dans ce cas, étant donné que la durée moyenne de retour au sport dans leur recherche précédente n'était que de 25 jours. En gardant à l'esprit des délais réalistes, 25 % de 25 jours en moyenne semble être un délai raisonnable.

Il a été spécifié que les caractéristiques de base significatives étaient ajustées si elles modifiaient le résultat de plus de 10 %. Comme le "moment de la blessure pendant le match ou l'entraînement" différait significativement entre les groupes, l'analyse du résultat primaire a été ajustée. Dans l'analyse non ajustée, le rapport de risque était de 1,15 et l'analyse ajustée a révélé un rapport de risque de 0,95, tous deux non significatifs. De plus, cette analyse ajustée a montré qu'il n'y avait pas de différence entre les joueurs qui s'étaient blessés au début du match ou de l'entraînement et ceux qui avaient subi une lésion aiguë des ischio-jambiers plus tard dans le match.

Pour l'analyse primaire, les participants perdus de vue ont été censurés. Toutefois, une analyse de sensibilité a été réalisée pour tester la robustesse de l'effet du traitement. L'analyse de sensibilité a été réalisée en gardant à l'esprit le scénario le plus défavorable : toute personne perdue de vue peut ne pas avoir repris le sport. Cette analyse a révélé que le rapport de risque est passé de 0,91 à 0,82.

Malheureusement, aucune sous-analyse n'a été réalisée pour examiner les différences de gravité des blessures. Par conséquent, aucune recommandation ne peut être formulée ici. Il serait intéressant de voir si les patients souffrant de lésions plus graves des ischio-jambiers réagissent de la même manière aux procédures de l'étude.

Messages à emporter chez soi

Dans le pire des cas, il n'y a pas de différence dans le délai de reprise du sport après un allongement précoce des ischio-jambiers. Dans le meilleur des cas, l'athlète qui effectue les premiers exercices d'allongement peut revenir 2 semaines plus tôt que lorsque ces exercices sont retardés. L'initiation précoce de ces exercices n'a pas eu d'impact sur la rétraction des ischio-jambiers à 2, 6 ou 12 mois.